BAD TRIP POUR LES ENDIVES

Les endives coururent jusqu'à une placette envahie par les eaux. Les poireaux, massés en haut de la Tour de l'Aînesse, chantaient à qui mieux mieux leur appréhension d'un désastre. En effet, l'eau attaquait la tour à sa base en dissolvant la terre séchée.

" On se rend ! mais tirez-nous de là ! crièrent les poireaux.

- Hein ? firent les endives.

(L'eau faisait pas mal de bruit).

- On se rend ! On se rend ! Mais allez à la digue et réparez là !

- Rendez-vous !

- ON SE REND ! mais faîtes quelque chose !

- Des ecchymoses ? Que voulez-vous que ça nous fasse !

- Non ! cela ne nous est pas égal de boire la tasse ! Allez tout de suite à LA DIGUE ! LA DIGUE DE RUTEMBOIS !

- NOUS N'AVONS PAS SOIF !

- VOUS NOUS FAITES CHIER !

- ALLEZ VOUS FAIRE FOUTRE !

- VOUS VOYEZ QUE VOUS ENTENDEZ TRES BIEN.

- VOUS AUSSI, VOUS ENTENDEZ TRES BIEN.

- Alors, vous y allez à cette digue ?

- Vous vous rendez donc ?

- Bon, c'est où déjà ?

- Vous voyez le pont que vous avez franchi pour venir ici ?

- Oui

- Hé bien, un peu plus haut sur la Slee, il y a la digue de Rutembois et, euh … ça doit venir de là … "

Aussitôt, une équipe d'endives se mit en route tandis qu'une autre cherchait un moyen d'évacuer l'eau. Arrivée à la digue de Rutembois, elle la trouva ruinée par une explosion. Elle se mit en devoir de colmater la brèche avec des gravats, des meubles, et tout ce qu'elle trouvait. Ce fut une rude tâche que d'arracher les portes des chaumières, d'extirper commodes et bahuts, armoires et buffets, pour les précipiter dans la Slee limoneuse. Les poireautes hurlaient plus fort que leurs maris. Mais à force d'efforts, la digue finit par se reconstituer et dévier le courant fatal.

Pendant ce temps, l'autre équipe fore le dôme à l'endroit le plus bas, de sorte que toute l'eau se déverse dans la quartier des Morts, laissant derrière elle un cloaque de boue. L'équipe de la digue retourne à la tour où les autres étaient en plein pourparlers. Les poireaux ne voulaient plus se rendre, avec le mauvais prétexte que la boue les retenait dans la tour. L'endive aux cicatrices s'énervait.

" Gibier de pot au feu ! hurla-t-elle

- Rainure de salsifis ! répondit un poireau, et tous les autres rigolèrent.

" Ah ils vont voir, ils vont voir ! rugit l'endive. On va prendre la tour d'assaut. Rassemblez tous les meubles que vous pourrez trouver et entassez-les sur cette caravane, là ".

Les portes volèrent en éclats. Et les endives d'entasser commodes et bahuts, armoires et buffets pour escalader la tour de l'Aînesse. Les poireaux leur jetèrent tous les cadavres de bouteilles, mais rien n'y fit car les endives travaillaient sous une table. Ils résolurent d'attendre le dernier moment pour jeter leur va-tout sous la forme d'un gros banc de bois massif.

l'assaut de la tour

Enfin, les endives rajoutaient l'ultime tabouret sur la pile hétéroclite, l'endive aux cicatrices s'y juchait, parée au combat, lorsqu'elle se prit un banc sur le coin de la feuille et entraîna le tabouret dans sa chute, qui entraîna les deux chaises, qui entraînèrent les commodes, les bahuts, les armoires, les buffets, et toute la pile s'écroula en soulevant de gros paquets de boue.

" Les truffes ! les truffes ! " ricanèrent les poireaux à la vue de leurs agresseurs enrobés et abasourdis. Et, dans leur liesse, ils se congratulaient.

Les endives, désolées, appelèrent l'endive aux cicatrices, la cherchèrent et finirent par la découvrir sous un banc, un tabouret, une chaise et un pouf. Elle avait rejoint le potahallager en quatre morceaux.

Le citron se mit à pleurer comme un veau.

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