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NADAU 26 ans de scène

Des premiers concerts " confidentiels " auxquels assistait une poignée d'initiés dans les années 70 aux méga-shows de ces dernières années (le "Zénith" de PAU en 93 et 96, "L'Olympia" à PARIS le 20 mai dernier), NADAU, à force de persévérance, est devenu LE groupe Occitan par excellence. Chacun de leurs concerts suscite aujourd'hui un engouement populaire mérité, eux-mêmes ne renonçant pas à jouer dans de petites salles à l'instar de celles qui les accueillaient à leurs débuts. Popularité une fois de plus confirmée parce concert mémorable donné à guichet fermé devant 600 personnes venues les acclamer ce samedi 21 octobre, à GRENADE-SUR -GARONNE. Petit bilan d'un parcours exemplaire par Michel MAFFRAND, alias "JAN" (prononcez: "Y ANN") fondateur et leader de ce groupe.

CÉSAR: Je suis aujourd'hui avec JAN, membre éminent du groupe NADAU. Je voudrais savoir depuis combien de temps existe NADAU ?

JAN: NADAU existe depuis 26 ans. Cela s'appelait au début "Los De NADAU". Maintenant, c'est NADAU tout court, parce qu'on a laissé tomber la particule. On est devenu plus populaires ! (rires) Et puis, quand on commence à s'appeler "membre éminent", c'est qu'on a vieilli beaucoup... Mais enfin! On tient toujours la route! (rires)

CÉSAR: Apparemment, Il y a pas mal de membres dans ce groupe. Vous êtes sept ou huit, peut-être... Vous avez commencé à trois. Qui a eu l'idée de la formation, et pourquoi ce groupe ?

JAN:Il y a eu un groupe qui est né à trois personnes au départ. Sur ces trois personnes il y a 26 ans, il en reste deux actuellement, qui sont membres historiques de la première mouture. Et puis après, il y a des "jeunes cons" qui sont arrivés, quoi! (rires) Là, maintenant, on est sept, parfois neuf avec les percussionnistes, quand on les a... Sept musiciens et trois techniciens. Et puis, au fil des années, on s'est enrichi de rythmiques modernes, de notre cornemuse aussi. Cela évolue tout le temps.

CÉSAR: Par rapport au trio qui était plus engagé, peut-être, qui faisait des paroles plus engagées... Maintenant, ce sont des chansons qui glorifient, qui dépeignent le pays, la nature, l'amour...

JAN:Je crois que chanter en occitan aujourd'hui, c'est déjà être engagé, parce que c'est prendre la défense d'une culture dite "minoritaire". Donc, c'est déjà s'engager. Ceci étant dit, les chansons engagées, au bout d'un moment, cela fatigue aussi un peu les gens... Je crois qu'il n'y a rien de tel que la création. Quand une chanson ou quand une culture est adulte, elle parle de tout, pas forcément d'ellemême. L'engagement que l'on a est plus profond aujourd'hui dans la mesure où il résonne dans l'esprit ou dans le coeur des gens. . . Ce qui résonne chez eux, c'est le pays, la façon de vivre que l'on a ici... C'est cela, l'engagement, pour moi. Ce n'est pas forcément lever le poing pour chanter "vive ceci" ou "vive untel"... Ce sont peut-être quelques pêchés de jeunesse. . . Je ne regrette rien, mais comme dit notre batteur, on ne renie pas les couches-culottes, mais on n'en porte plus.

CÉSAR: Le batteur fait partie des "jeunes cons" que vous me citiez tout à l'heure. C'est vous qui êtes allé les chercher ?

JAN: Lui, c'est un "jeune-vieux", parce qu'il était batteur des CHAUSSETTES NOIRES, en fait. . . C'était le batteur d'Eddy MITCHELL. . . Il est passé de ça aux NADAU... Et quand il parle des "couches-culottes", il parle des CHAUSSETTES NOIRES aussi, quand il chantait "Be bop a lula" sur la scène de "L'Olympia"... D'ailleurs, il a retrouvé cette scène des années après, cette année, quand on est allé faire "L'Olympia"... Ça lui a fait drôle, parce que la dernière fois qu'il était en avant, c'était pour chanter "Be bop a lula"... Cela faisait quelques années en arrière.

CÉSAR: Justement, ce petit séjour à Paris... Est-ce que ça vous a profondément marqué, ou bien est-ce que c'est un concert comme les autres ?

JAN:Ce n'est pas un concert comme les autres, parce qu'on n'est pas sur une des plus grande scène du monde sans avoir de la pression... Avant, de la pression, et après, des souvenirs... D'autant plus que la salle était pleine... Il y avait plein de gens qui étaient montés de la Gascogne dans un train spécial... Il y a eu une fête monumentale... Et puis, pour beaucoup de gens qui étaient là... Il n'y avait pas que les NADAU qui étaient sur la scène de "L'Olympia". Il y avait l'occitan, il y avait leurs grands-parents... C'était pour eux une certaine revanche. . . Leurs grands-pères qui se faisaient taper sur les doigts à l'école quand ils parlaient occitan... Là, l'occitan, il était sur la scène de "L'Olympia". Quelque part, cela faisait quelque chose. Donc, ce n'est pas un concert comme n'importe quel autre. Ceci étant dit, c'est une étape dans notre vie. Peut-être qu'on y reviendra. Le directeur nous a dit qu'il nous accueillerait à chaque fois qu'on le voudrait. Pour le moment, on y est allé... Puis on verra plus tard... On prend les choses comme elles arrivent. Je crois que "L'Olympia" a été très marquant surtout pour les gens d'ici. Pas trop sur le plan national... Mais sur les gens d'ici, parce que, brusquement, cela leur a montré, encore une fois, que notre culture, ce que l'on appelait le "patois" quelquefois avec des termes méprisants, et bien il pouvait être sur l'une des plus grandes scènes du monde... Tous les chanteurs rêvent d'aller chanter sur cette scène là... Parce que les plus grands y sont allés, les ROLLING STONES, les BEATLES, et puis tous les morts et vivants, tous ces gens-là... Alors, c'est vrai que ça fait quelque chose quand rentre sur cette scène. Surtout quand il y a le public chauffé à blanc, comme c'était le cas ce soir là. Mais cela ne nous a pas tourné la tête non plus. Ça ne nous a pas fait autre chose là où je pense... (rires)

CÉSAR: Il y a eu ce concert a "L'Olympia" qui apparemment a été assez fort au niveau émotionnel... Il y a eu le "Zénith" de Pau qui a dû être assez marquant... Si vous aviez à faire un choix dans tous ces concerts, est-ce qu'il yen aurait un que vous placeriez au dessus de tous ? Peut être le premier, quand vous n'étiez encore qu'un trio ?

JAN:Je crois que tous les concerts sont importants à partir du moment où l'on a un public en face, et aucun concert n'est jamais gagné d'avance. Tous les concerts sont importants, parce que l'on a des hommes en face. Qu'ils soient dans une grande salle le cul sur du velours ou sur un tabouret à la campagne, pour moi, c'est exactement la même chose. Et on n'est jamais autant heureux que quand on va chanter dans un petit village! Maintenant, si j'avais à dire qu'un concert a été quand même déterminant, c'est celui du "Zénith" en 96, où il y avait 400 participants, un orchestre symphonique, les choeurs, les danseurs de la Vallée d'Ossau... On avait fait un spectacle gigantesque, et je crois que s'il n'y avait pas eu ce concert-là, il n'y aurait pas eu "L'Olympia" après... Il y a beaucoup de choses qui ont démarrées de là.

CÉSAR: L'album photo doit être épais... Je parle de photos... Dans votre tête...

JAN:Oui, parce que cela fait 26 ans... Et puis je crois que dans chaque concert que l'on fait, il y a les 800 concerts que l'on a fait avant. On arrive à un moment donné à peaufiner une phrase, à tomber une chute de phrase d'une certaine façon. Mais cette façon là... Ce n'est pas gratuit... Cela n'arrive pas... Même pas par le travail... Cela arrive après 800 concerts... Et je crois que l'on arrive à un moment donné à parler aux gens, ou à chanter d'une certaine façon qui fait qu'il y a toutes ces images, tous ces chemins traversés, toutes ces routes prises. Je crois que l'on est porteur de tout cela, d'une culture, de toutes ces années. . . J'ai rencontré Compay SEGUNDO il n'y a pas très longtemps, il ya un an, à Paris. Il avait 93 ans à l'époque, et il devenait une grande vedette internationale de la chanson cubaine. Et lui aussi avait cette durée... Il y avait cette durée dans sa vie. . . Il avait 70 ans de chanson derrière... On avait l'impression d'avoir un mythe devant... Et même quand il prononce une parole, quand il chante, il chante avec ses 70 ans derrière. Les plus petits enfants qui viennent le voir restent bouche bée, parce qu'il a une façon de chanter, il a un rythme... Et puis, il arrive au bout de 70 ans à l'essentiel des choses. Je ne sais pas si je chanterais jusqu'à 93 ans. . . Je me le souhaite. . .

CÉSAR: C'est ce que j'allais vous dire. Il y a encore 40 ans à tirer au moins, sur scène...

JAN:Oui, j'ai encore quarante ans devant moi, quarante belles années pour faire chanter et faire des chansons... Donc, que cela dure !

JEROME: Une question a propos de l'historique du groupe... Vous étiez un trio au départ. Aujourd'hui, vous êtes deux de la formation originelle. Qu'est devenu le troisième ?

JAN:Le troisième, il est parti en 90-91. . . Cela fait presque dix ans. . .II continue à se battre ailleurs, sur d'autres terrains. Il s'occupe de musique, de former les jeunes... Il s'occupe de la langue. Il est dans l'Institut Occitan. Il fait beaucoup de choses. Il mène sa vie de son côté. C'est l'histoire des groupes... Des groupes, des couples, de tout...

JEROME: Vous avez sorti deux albums de chansons pour enfants...

JAN: Oui, d'abord parce que c'est important de se tourner vers les enfants pédagogiquement, pour la langue. . .II faut vraiment s'adresser à eux. . On a sorti un album il y a très longtemps qui s'appelait "Pimparèla". Cet album est complètement perdu aujourd'hui. Je crois même qu'à nous-mêmes, il ne nous reste plus aucun exemplaire. Donc, ceux qui les ont, qu'ils les gardent précieusement: ce sont des objets de collection. Et après ça, avec quelques chansons de "Pimparèla", plus d'autres chansons nouvelles, on a fait l'album "Plumalhon", qui est sorti l'an dernier, pour les enfants. Il marche bien dans les écoles... Moi, j'adore chanter pour les enfants, j'adore les chansons pour enfants! Je crois que c'est un des meilleurs albums des NADAU, le "Plumalhon". Donc, je me l'écoute, moi... C'est un des rares que j'écoute.

JEROME: Mais vous ne le chantez pas sur scène...

JAN : Non... Peut-être... Cela me travaille un peu de faire un concert pour enfants. Mais cela demande beaucoup de travail... Et surtout de chanter dans des tonalités qui ne sont pas les nôtres. C'est un peu difficile. Mais pourquoi pas faire à un moment donné un "Zénith" pour les enfants, ou quelque chose comme cela. . . Ça serait bien. Après, pour le public adulte. . . Surtout, les chansons d'enfants sont courtes. Mais peut-être que l'on va se mettre à chanter "Lo càr que pataqueja" sur scène, bientôt.

Propos recueillis par César et Jérôme pour CHRONIQUES SPONT ANEES / RADIO FIL DE L 'EA U 106.6 FM le samedi 21 Octobre 2000. Avec le concours amical du QUADRILLE DE GRENADE.

groupe Nadau

www.nadau.com